Convoquant l’histoire d’une des contre-cultures musicales les plus extrêmes des années 1990, le cycle The Plain is Lit with Fire est traversé par l’insubordination et le second degré de l’imagerie du black metal.
Ce cycle d’oeuvres prend comme départ le livre d’artiste The Guidebook of Church Burners, lancé au Bal en mai 2018. Divisé en deux chapitres distincts, The Guidebook of Church Burners se compose autant d’images trouvées que de photographies que nous avons réalisé en Norvège, qui inventent, à travers cet ouvrage, l’histoire d’une organisation imaginaire du nom de Church Burners. Dans un geste aussi contestataire qu’expiatoire, puisant sa révolte dans la colère de la jeunesse, le second degré et l’imagerie des genres musicaux les plus extrêmes, ses membres fictifs se rassemblent pour brûler des églises. Si le livre s’appuie sur des éléments iconographiques et historiques du black metal norvégien ainsi que sur la controverse qui l’entoure pour se construire, il explore surtout les prismes multiples d’une culture musicale aux codes atypiques et les réinterprètent en se jouant des genres ; entre fiction et documentaire. Reprenant le langage esthétique des fanzines musicaux, le livre délivre son interprétation d’une histoire contemporaine qui ne s’est jamais jouée.
La nécessité de créer des oeuvres photographiques en dehors du contexte du livre s’est imposé dans un deuxième temps. Comme si la matérialité de la trame d’impression imputée par la photocopieuse n’était pas assez signifiante dans l’évanescence de l’image et la conscience de la perte (patrimoniale), l’ensemble d’oeuvres brûlées The Plain is Lit with Fire est le reflet d’un processus contradictoire. Archive iconoclaste, les vingt-huit oeuvres (en cours de réalisation) sont un état des lieux — sinon un portrait — des vingt-huit églises en bois debout (stavkyrkje en norvégien) toujours existantes sur le territoire norvégien. Au-delà de la force narrative de cette histoire sur laquelle l’ouvrage rebondit librement, The Plain is Lit with Fire est construit autour de contradictions formelles et conceptuelles. Les formes que prennent les oeuvres sont la preuve de cette réflexion sur les sentiments paradoxaux que l’humain peut vivre, notamment face aux images et aux événements de destruction. Les images sont contrecollées sur Placoflam et imprégnées de liquide ignifuge, avant d’être soumise au feu. Cette méthode vient souligner le paradoxe iconodule/iconoclaste qui imbibe tout le projet : nous brûlons ces images tout en s’assurant de leur partielle survie dans le but d’en créer des reliques.